Assis sur le toit d’une vieille jeep, je note scrupuleusement les chiffres dictés par Nicolas. Le dernier bolide déboule dans un dernier virage et passe le drapeau à damier. Les commissaires de courses démarrent en trombe leur 4×4 blanc flambant neuf tandis que les péons reprennent peu à peu possession de l’unique piste de leur village.
Pour deux jours j’ai accepté d’aider Christian, le proprio de la casa de ciclistas de La Paz, à chronométrer plusieurs étapes d’une course régionale de rallye. Veuillez trouver ci-dessous, Madame, Monsieur, mes impressions.
Le manque d’organisation et d’information en Bolivie, je m’y attendais. L’immense irrespect et désintérêt de la part des dirigeants de course pour le travail crucial de l’équipe de chronométrage, un peu moins. Ces tas de testostérone kiffent le bruit des moteurs, font des blagues salaces et se tapent les coudes, t’chatchent de goupilles et d’amortisseurs avec les coureurs, pilotent leur Toyota HiLux comme des tarés. Rien d’anormal jusque là dans ce milieu. Mais c’est aussi eux qui font les départs de chaque pilote, changent les intervalles et ne se préoccupent pas de savoir si les pauvres pauvres gratte-papier que nous sommes sont en place. Et il faut leur fournir des temps de passage et un classement précis, car y’a que ça qui compte.
Je me retrouve tantôt à noter les temps, tantôt à simplement à agiter le drapeau à damier, tantôt à essayer de téléphoner (ben oui, la radio c’est pour les gens importants) à mes collègues de l’arrivée pour synchroniser le compte à rebours d’un gugus stéroïdé. Tout ça ajouté au caractère super impulsif de Christian couplé à ma capacité à monter rapidement dans les tours, le bilan de l’expérience est mitigé. Cela dit maintenant que je l’écris j’ai plutôt tendance à en rire.
Après un dernier rendez vous avec une énorme coupe de fruits-glace-yogurt à 1$, je quitte La Paz en compagnie d’Aglaé et Yohan que j’ai retrouvés à la casa de ciclistas. On taille la route jusqu’à la grande flaque à cheval entre le Pérou et la Bolivie. Pour les fans des « les <nom> les plus <adjectif> du monde », le lac Titicaca est plus grand réservoir d’eau douce d’Amérique du Sud et accessoirement le plus haut lac navigable du monde (mais qu’est-ce qu’un lac non navigable me diriez-vous ? Une mare ?).
Après s’être perdus sur une mauvaise piste paumée dans montagnes bolivienne, on atteint par hasard une route nous emmenant au Pérou. Le sable laisse sa place à une route fraîchement goudronnée longeant le lac. On en profitera demain, car la nuit la nuit tombe et il faut trouver où camper. Yohan et moi posons nos vélos et nous approchons un groupe de jeunes sur un terrain de sport.
Et là, en 8 mois de voyage, je me suis senti pour la première fois en danger.
Les jeunes s’arrêtent de jouer, tous les yeux se tournent vers nous, des murmures et des moqueries se lèvent puis le silence tombe. Je n’entends que le bruit de nos pas sur le gravier. Les mamans assises au bord du terrain détournent les yeux. Le leader auto-désigné s’approche de moi et s’applique à me parler à quelques centimètres du visage. Je lui fais tout de même mon speech habituel mais nous comprenons rapidement que l’on n’est pas du tout les bienvenus dans le coin et que ça risque de tourner au vinaigre sous peu. Mieux vaut ne pas trainer dans le village donc. Nous rebroussons chemin jusqu’au village précédent et posons le camp dans la cours d’une école.
Le rangement des affaires le lendemain se fait en compagnie d’enfants et de leur probable professeur. Ce dernier nous demande clairement d’offrir quelques chose aux enfants en s’assurant qu’ils soient à portée de voix. Encore un peu tendu par l’expérience de la veille, je ne daigne à peine répondre.
Après j’me demande comment peut évoluer la perception des jeunes envers les gringos si même les professeurs nous présentent aux enfants comme des Pères Noël, favorisés par nos racines ? Une animation de géographie d’un étranger serait certes moins palpable qu’un stylo mais assurément plus enrichissante. Qu’est-ce que j’ai fais pour améliorer la situation ? Rien ! J’aurais pu proposer une telle animation, placer ma pierre à l’édifice en perpétuelle construction de la paix universelle et du respect mutuel, mais n’est pas la cible de mon voyage. Honte à moi. Ou pas. Pas de stylo non plus, et de toute façon, j’en ai qu’un.
Commentaires 2
Max! Quelle drôle d’expérience celle du rally haha inattendue, agité et certainement différente. Tu te rappelés comment on souffrait la première nuit car c’etait 22h et Cristian ne nous laissait pas dormir? C’était presque aussi dur que paso Dico, presque…
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ahaha effectivement à ce moment là je ne pensais qu’à me mettre au lit 🙂